Réflexion en mouvement sur le processus de création
Rencontre avec Caroline Auraix - Artiste plasticienne x bijoux contemporains

Les bijoux contemporains de Caroline Auraix : La métaphysique qui pique les cœurs

Aujourd’hui, notre aventure nous mène à la rencontre de Caroline Auraix. Cette artiste parisienne réalise des œuvres entre bijoux contemporains et sculptures à porter. D’ailleurs, difficile de lui attribuer une casquette fixe tant ses savoir-faire s’entremêlent. Tour à tour bijoutière et plasticienne, Caroline est de celles qui expérimentent sans cesse, guidée par un besoin irrépressible de métamorphose.

Arrivée à Paris à l’âge de 18 ans, elle étudie d’abord le théâtre puis, le commerce. En parallèle de ses études, la jeune femme vend des plumes de paon en porte-à-porte pour subvenir à ses besoins. Une activité qui l’amène à rencontrer de nombreuses personnalités artistiques. Un jour, Caroline pousse la porte de la Galerie Wengé et rencontre Amira Sliman, la personne qui deviendra, par la suite, son mentor dans la création de bijoux.

Le fil conducteur de la jeune artiste n’est autre que l’humain sous toutes ses formes. Avec ce thème en tête, Caroline explore la partie physique de l’être mais également la dimension plus immatérielle qui existe en chacun de nous : les mécanismes de pensée et les avaries de l’âme à l’aide de la métaphysique et de la philosophie.

Intrigués par cette démarche, nous n’avons qu’une seule envie : en apprendre plus sur le projet de Caroline qui soufflera prochainement sa toute première bougie. Une nouvelle histoire synonyme pour nous d’univers inédit à explorer. Attachez vos ceintures, nous partons à l’aventure !

“J’aime quand mes bijoux dérangent, cela veut dire qu’une émotion forte est suscitée. La surprise amorce un processus et force à se poser des questions sur soi-même.”

Concours de circonstances et opportunités

Quand est-ce que le bijou s’est présenté à toi comme une piste à explorer ?

Caroline : Depuis toute petite, j’ai une passion pour les travaux manuels. J’ai toujours créé des petits objets ou des bijoux en pâte à modeler ou en pâte polymère, sans vraiment penser pouvoir en faire mon métier un jour. Quand j’ai rencontré Amira dans son espace d’exposition ça a été comme une évidence : j’ai quitté mon BTS commerce pour me lancer dans une nouvelle aventure.

Caroline a donc un déclic. Elle décide de se former aux métiers du bijou et rejoint ainsi l’AFEDAP, école orientée vers la bijouterie contemporaine. Dans ce cadre académique, elle apprend toutes les techniques de réalisation traditionnelles et commence à développer son propre style. Petit à petit, on la pousse à exprimer son individualité, à donner du sens à ses créations. Mais c’est à la suite d’une seconde rencontre, encore une fois inattendue, que la jeune femme se rapproche de son rêve.

Caroline : Aux portes ouvertes de l’école, lors de la présentation des diplômes, j’ai eu la chance de rencontrer le designer textile israélien Tzuri Gueta. À l’époque, il venait tout juste de trouver une technique inédite pour créer des bijoux. Cette rencontre, fruit du hasard, s’est rapidement transformée en coup de foudre, tant sentimental qu’artistique. Ensemble, nous avons développé la partie bijouterie de la marque jusqu’à atteindre un niveau de reconnaissance international, notamment grâce à des prix et récompenses du milieu.

À l’issue de cette aventure qui dure plus de dix ans, Caroline décide de prendre une autre direction, de sortir du chemin tout tracé qui l’attend. L’artiste sent en elle un besoin d’ailleurs, une envie de raconter d’autres histoires, de se renouveler, seule.

Caroline : Suite à ce nouveau départ, j’ai eu besoin d’un petit temps de réflexion pour me réapproprier mes repères, m’écouter, comprendre ce dont j’avais envie tant au niveau du design que de la démarche globale. Je n’avais plus envie d’entendre parler du silicone que l’on utilisait à l’atelier Tzuri Gueta, je voulais me réinventer complètement, changer de cap et de message.

La mue

La révélation ne se fait pas attendre. En effet, Caroline puise au fond d’elle-même ce qui deviendra rapidement sa marque de fabrique. La jeune femme se nourrit de sa passion pour les personnages miniatures de maquettes et de son amour inconditionnel pour les matières synthétiques.

Caroline : J’avais acheté une tonne de petits personnages de maquettes. Plus ils étaient petits et plus je les appréciais. Avec ces minuscules figurines, je réalisais des structures dont le niveau de complexité dépendait de la proximité physique du spectateur face à celle-ci. C’était le jeu de contraste qui me fascinait. Toutefois, malgré un résultat impressionnant, l’assemblage de chaque grain de riz était très long et très minutieux. Je me suis dit que cela serait plus malin de modéliser moi-même mes propres personnages. C’est en suivant ce raisonnement que je me suis tournée vers l’impression 3D dont j’ai très rapidement appris les techniques.

Caroline se souvient qu’à l’âge de six ans, pour Noël, elle reçoit en cadeau un kit de création portant le nom de “Magic Plastic”. Naturellement, elle joue le jeu et crée une ribambelle d’animaux en faisant fondre les petites billes de plastique. C’est dans cet espace de création libre, entourée de ses petits moules colorés, que Caroline se construit artistiquement. Pour autant, si pour la jeune femme l’amour du plastique et du silicone est innée, ces matières ne font pas l’unanimité dans le monde du bijou.

Caroline : Je pense qu’en France, la culture du bijou contemporain n’a pas encore su trouver sa place. Contrairement à des pays européens comme l’Allemagne, la France est très traditionnaliste dans sa relation avec le bijou. Ici, on a encore un regard méprisant envers les matières de synthèse, on transmet la culture des alliages précieux et des pierres de valeurs, on s’enlise sans le vouloir dans une vision conservatrice de la joaillerie.

Loin de l’aliénation de la production, libérée par l’essor des nouvelles technologies, Caroline se concentre sur le développement de son univers. Elle se concentre sur la modélisation et se réapproprie le corps humain pour l’adapter à ses envies.

Quelles sont les étapes de ton processus de création ?

Caroline : Je commence souvent par un petit gribouillis, un petit dessin très rapide qui me permet de mettre un visuel sur mon idée du moment. Puis, dès que cette étape est terminée, je passe aussitôt sur l’ordinateur. C’est le moyen le plus simple pour se rendre compte si mon intention créative est bonne ou non. Je fais en sorte que la création corresponde à mes attentes, tant en termes de design que de proportions. Quand mon projet est solide, je l’envoie pour impression à mon partenaire, qui me renvoie le prototype.

Est-ce que cela te tient à cœur de mélanger ce côté technologique du processus de fabrication avec une démarche artisanale, notamment via la coloration manuelle des bijoux ?

Caroline : Quand je reçois mes bijoux, ils sont volontairement blancs. Cela me permet de choisir exactement le rendu final. Soit je les peins, soit je les teins, soit je les décore. Ce qui me plaît, c’est de dérouter le public et de créer une illusion ou une confusion autour des matériaux utilisés. Pour ce faire, j’utilise parfois des patines ou des vernis qui m’aident à créer des trompe-l’œil. J’aime quand les gens pensent qu’il s’agit de pierre, de bronze ou de céramique. C’est quand les sens sont trompés que la magie opère.

Est-ce que tu suis les tendances lorsque tu crées ?

Caroline : Même avec un bijou contemporain qui raconte une histoire, je suis obligée de suivre un minimum les tendances. Il faut que mes créations puissent s’assortir avec les tenues et les couleurs en vogue d’une saison à l’autre. Je garde un œil sur les podiums et les cahiers de tendances. C’est un côté modeuse que je garde de mes années dans l’atelier de création de Tzuri. Bien que je fasse tout à une petite échelle, loin du monde de la mode, je ne peux m’empêcher de m’intéresser aux nouveautés produites par les maisons de haute couture.

Retour aux sources

Est-ce que le fait de donner ton propre nom à ta marque était une évidence ?

Caroline : Quand j’ai commencé sur Etsy, j’ai appelé ma boutique “HomothétiK” en relation avec les rapports d’échelles pour insister sur les variations de formats que j’aime tant. Mais avec du recul, j’ai eu peur que cela ne soit trop réducteur par rapport à l’ensemble des thématiques que j’avais envie d’explorer, notamment l’humain, les animaux ou la philosophie. C’est ainsi que j’ai décidé de donner mon propre nom à ma marque. C’est en quelque sorte une façon pour moi de m’obliger à être sur le devant de la scène, à contrer cette discrétion maladive qui me poursuit depuis toujours.

Peux-tu nous parler davantage de ton univers notamment de la place que la figure humaine occupe au sein de ta démarche ?

Caroline : Dans l’idée, j’essaye de ne pas trop expliquer mon travail. Ce qui est important pour moi, c’est que chacun projette ce qu’il a envie de percevoir dans mes créations, sans que j’ai à intervenir, sans que j’influence les réflexions sous-jacentes. Si l’humain est la figure centrale de ma démarche c’est que j’ai l’impression que l’Homme a atteint un point de rupture, aussi bien envers lui-même que l’environnement dans lequel il évolue. Selon-moi, la solution réside dans une sorte d’introspection qui consisterait à s’auto-analyser pour essayer de se comprendre, avant d’essayer de comprendre les autres. Dans la société du divertissement dans laquelle nous vivons, cette remise en question des comportements individualistes est très compliquée à mettre en place, ce n’est plus un phénomène naturel. Avec mes créations, j’essaye de diffuser une sorte de message subliminal, de mettre la réflexion au centre des préoccupations, de retourner à l’essence de la pensée. Finalement, tout n’est qu’ondes et fréquences, tout n’est que questionnement.

Quelles sont tes sources d’inspiration au quotidien ?

Caroline : Mon carburant de création se trouve dans un ensemble de lectures métaphysiques et philosophiques. Parmi les ouvrages qui influencent positivement mon travail, je peux citer Le Codex Seraphinianus (Luigi Serafini), Fragments d’un Enseignement Inconnu (Piotr Ouspenski), La Voie Hermétique (Françoise Bonardel). En plus de ces précieux recueils d’idées, je puise mon inspiration dans la physique quantique, le symbolisme et, plus largement, tout ce qui me permet de ne pas trop avoir les pieds sur Terre. Mes muses ne sont autres que Carl Jung, Nikola Tesla ou encore Nassim Haramein.

“J’ai juste envie de faire des bijoux qui m’inspirent et qui inspirent les autres, sans tendre vers la facilité, sans vouloir absolument contenter tout le monde.”

Quels sont tes projets pour la suite ?

Caroline : J’aimerais bien changer d’échelle, donner plus d’ampleur à mes créations. J’ai déjà réalisé des petites sculptures mais au fil du temps, je les ai transformé en grands pendentifs. Si j’en ai l’occasion, j’aimerais beaucoup créer de petits objets à accrocher comme des mandalas humains par exemple. En parallèle, j’ai également un projet secret de street art qui trottine dans ma tête depuis quelques temps. Mon objectif premier serait de redonner un peu de couleur au paysage urbain parisien mais je ne peux pas vous en dire plus pour le moment…

C’est sur cette touche de suspens que nous laissons Caroline retourner à son quotidien d’artiste. Avant de partir, nous profitons d’un moment de calme pour nous intéresser à la collection de bijoux proposée par Amira.

Près des créations de Caroline, sur une des étagères, rayonne une aura toute particulière, une invitation à la découverte de soi. Chaque pièce est ainsi imbibée d’un message philosophique intime faisant vibrer notre inconscient et cette corde sensible qui demeure dans notre for intérieur. Il s’agit peut-être de la fin de cette interview, mais ce n’est que le début d’une grande réflexion.

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