C’est aux abords de la Seine, dans un petit café près d’Odéon que nous avons rendez-vous avec Olivia, créatrice de la marque Olive and the Pepper. Derrière ce nom fantaisiste se cachent des collections d’objets textiles parfois brodés, parfois imprimés, mais toujours réalisés à la main et avec amour.
La passion d’Olivia ? Proposer des bijoux et des porte-bonheur mêlant symboles millénaires et esthétique vintage. Pendant son processus créatif, la jeune femme n’a qu’une seule idée en tête : donner vie à des “lucky charms” qui apporteront de l’énergie, du courage et de la chance à leurs futurs propriétaires.
Juste avant de commencer, nous jetons un oeil rapide vers le comptoir. C’est la course dans ce troquet où les habitués viennent lire leur journal. En ce qui nous concerne, c’est la vapeur des machines à Expresso qui attirent toute notre attention, résonnant mécaniquement comme le chant d’une vieille locomotive. Il semblerait que l’heure du voyage soit enfin arrivée. Ni une, ni deux, nous montons à bord du train n°11245 en direction du monde providentiel d’Olivia afin d’en découvrir davantage sur sa démarche.
Il était une fois
Très intéressée par le monde de la mode, Olivia fait ses études dans une toute petite école de stylisme du cinquième arrondissement de Paris. À la fin de son cursus, elle réalise un stage chez Petit Bateau, un navire qu’elle ne quittera que douze années plus tard pour se lancer à plein temps dans son propre projet.
Olivia : J’ai passé douze super années chez Petit Bateau, on créait et on rigolait bien. Avec le temps malheureusement, de nombreux changements ont eu lieu dans l’entreprise, tant en termes d’équipe que de moyens. Rapidement, à l’image du secteur de la mode tout entier, le rythme et les habitudes de travail ont changé. L’objectif principal était de produire à tout prix, de maximiser le rendement. À mon échelle, cela m’a servi de révélation. Je me suis dit que j’arrivais à un âge où il fallait prendre des décisions. C’est donc naturellement que je suis partie.
Au sortir de Petit Bateau, Olivia ne sait pas encore ce à quoi ressemblera son futur créatif. Ce dont elle est sûre, c’est qu’elle n’a pas envie de reproduire le même schéma : finis les culottes, les bodies et les t-shirts, terminées les illustrations ! Son seul fil conducteur est la recherche de l’épanouissement sensoriel, à travers la création.
Olivia : Après Petit Bateau, j’ai continué à faire un peu de freelance pour des marques et des projets divers et variés, en décoration et mode pour enfant notamment. Puis en parallèle, j’ai commencé à me poser des question sur ce que je voulais réellement faire. Au départ, avec une amie, on a travaillé quelques mois autour de la création d’une marque pour enfant mais j’ai vite réalisé que je souhaitais travailler seule.
Sans vraiment savoir dans quelle direction se lancer, Olivia continue son cheminement introspectif et créatif. Dessin, réalisation de vêtements ou encore gravure, la jeune femme tente et retente, improvise, expérimente à grands coups d’inspirations passagères.
Olivia : Mes premiers tests consistaient à réaliser des motifs sur des vêtements. Après quelques essais, j’ai même créé une ligne de t-shirts imprimés. Dans le même temps, je réalisais également des porte-bonheur et des petits accessoires brodés. Au fur et à mesure de mes expériences textiles, je me suis rendu compte que ces derniers me plaisaient tout particulièrement et que la production de vêtement était devenue secondaire à mes yeux.
Si c’est par amour des petits objets qu’Olivia abandonne sa collection de vêtements imprimés, ce choix est également motivé par des problématiques éthiques et écologiques. L’artiste est convaincue que la surproduction textile est un des problèmes majeurs de notre économie et ne souhaite pas participer à cette machine infernale.
Olivia : Je pense que même s’il y a un éveil global des consommateurs, les gens ont tout de même tendance à surconsommer et à en délaisser les produits chers et de bonne qualité. Aujourd’hui, à cause de leur pouvoir d’achat, les gens n’ont pas forcément les moyens de mettre 80 euros dans un t-shirt simple, comme ceux que je réalisais. Mais la réalité est là : si on souhaite fabriquer en France une petite quantité de t-shirts avec de bonnes matières, en s’assurant de faire vivre les gens qui la produisent, on arrive à un produit hors de prix. C’est en partie ce qui m’a poussé à me recentrer sur des créations plus petites, fabriquées majoritairement à partir de matériaux de récupération.
En faisant le choix des accessoires, Olivia fait également le choix d’une autonomie totale en ce qui concerne la chaîne de production. L’artiste gère tout le processus de A à Z, elle est en quelque sorte la tête pensante et la machine. Au-delà des conditions de fabrication, cela fait de son entreprise un projet beaucoup plus personnel où toutes les décisions découlent de convictions.
Olivia : L’avantage d’avoir une entreprise à taille humaine, c’est que j’ai encore la chance de pouvoir répondre moi-même à tous les messages que je reçois, aussi bien sur Instagram que par mail. Il existe une véritable proximité entre les gens qui achètent mes créations et moi. D’ailleurs, j’ajuste mes réalisations en fonction de leurs retours et parfois, je vais même jusqu’à créer des modèles sur-mesure. J’essaye de ne pas seulement proposer un ensemble de produits manufacturés, mais bel et bien un échange, une énergie, une expérience satisfaisante.
L’interrogatoire
D’où vient le nom de ta marque ? Pourquoi l’avoir nommée “Olive and the Pepper” ?
Olivia : C’est assez bête en fait ! Quand j’étais chez Petit Bateau, j’avais cette envie de créer un blog au sein duquel on pourrait retrouver mes dessins et mes premiers tampons. J’ai donc longtemps cherché un nom qui pourrait correspondre à cet espace un peu créatif. Puis une nuit, j’ai rêvé des Red Hot Chili Peppers et en me réveillant je me suis dit que c’était une bonne idée. Je sais que c’est idiot mais j’ai de l’affection pour ce nom.
Est-ce que tu peux nous parler plus en profondeur de ton univers ?
Olivia : Je suis assez fan de toutes ces choses qui se faisaient avant. Par exemple, sans être pour autant religieuse, j’aime beaucoup l’esthétique des ex-voto et tout ce qui est lié, de près ou de loin, à l’iconographie pieuse. Ce qui me plait par dessus tout, ce sont ces petites choses que l’on fabrique pour se porter bonheur et que l’on se transmet de main en main. C’est aussi pour cette raison que je cultive un univers rétro.
On retrouve souvent des morceaux d’anatomie humaine dans ton travail tels que des yeux, des coeurs ou des poumons. Est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi ?
Olivia : Dans de nombreuses cultures, les offrandes et les reliques prenaient souvent la forme d’organes ou de morceaux du corps humains : des dents, des pieds, des mains… Toutes croyances confondues, on retrouve également ces symboles forts dans la plupart des iconographies : des yeux, des paumes de mains, des bouches… En faisant le choix de m’inspirer de ces emblèmes traditionnels, je rentre dans une dynamique de modernisation de leur sens. Au-delà de ça, je trouve le corps humain fascinant de par sa diversité et sa complexité. C’est un véritable tiroir à idées, une bibliothèque d’images, toutes plus esthétiques les unes que les autres.
Est-ce que c’est important pour toi que chaque pièce soit unique ?
Olivia : Je pense que la singularité de chaque objet lui donne de la valeur. Chaque différence témoigne du processus de fabrication et met en valeur le travail de la main. Même si j’essaye de m’appliquer à reproduire la création d’origine, le résultat est toujours différent. Pour les médailles miraculeuses par exemple, c’est pareil. Il y a toujours un coeur qui est de guingois ou un autre qui a une taille légèrement supérieure à la moyenne. Finalement, ça permet aussi aux personnes intéressées de choisir l’objet qui leur correspond.
Est-ce que ta recherche du rétro est lié à la recherche d’une émotion ?
Olivia : Je suis très attachée au village de mon père en Auvergne dans lequel il y avait une dame qui tenait l’épicerie de la commune. Dans son petit magasin, on pouvait trouver de tout, de la paire de chaussettes, à la pelote de laine en passant par de la vaisselle. Quelquefois, la boutique réouvre, et la magie est toujours la même. On y trouve un milliard de merveilles. Chaque petite chose raconte une histoire, rayonne et transmet une émotion. C’est un peu ce que j’essaye d’intégrer dans mon processus artistique. Je souhaite donner une sorte d’aura à mes créations, en tout cas, je l’espère.
Est-ce que tu suis les codes de la mode pour t’en inspirer ?
Olivia : Même quand je faisais des vêtements, je n’ai jamais vraiment essayé de suivre les tendances. Forcément, ça s’intégrait dans le paysage, car je pense qu’avec les réseaux sociaux comme Instagram, nous sommes tous nourris des mêmes choses. En revanche, ce n’était pas une volonté que de suivre à la lettre les courants de styles. Je n’avais qu’une seule obsession : produire un vestiaire intemporel, des pièces que l’on puisse ressortir des années après sans qu’elles ne soient démodées. Aujourd’hui, avec les porte-bonheur, c’est un peu la même chose, je ne pense pas être dépendante des tendances, c’est une vraie liberté.
Est-ce que les réseaux sociaux représentent un outil quand on est artiste ?
Olivia : J’ai mis longtemps à me servir des plateformes comme Instagram car ce n’était pas du tout quelque chose d’inné pour moi. Mais maintenant que je m’en sers, je suis consciente que c’est un outil très utile pour gagner en visibilité. Grâce aux réseaux sociaux, la force de propagation est décuplée, c’est devenu incontournable. Pour les personnes comme moi qui ne sont pas toujours à l’aise avec les démarches commerciales ou la vente de manière générale, les réseaux représentent une véritable vitrine. Concrètement, cela crée des liens digitaux entre les gens. Dernièrement par exemple, les boutiques qui m’ont démarchée pour qu’on collabore, m’ont contactée via mon compte Instagram.
Avant de partir, Olivia tient à nous présenter une partie de son travail. Sans plus attendre, elle sort une ribambelle de créations de son coffre aux trésors. Sur la table, entre les tasses de café, l’univers de l’artiste prend vie. Les squelettes dansent et les dents dodelinent tandis que les coeurs battent. Chaque pièce est le parfait équilibre entre curiosité et minutie, entre délicatesse et fantaisie.
Olivia en profite pour nous offrir une de ces médailles miraculeuses dont la mission est de porter bonheur à celui ou celle qui la porte. De notre côté, c’est le coup de coeur ! Peut-être est-ce dans l’air, peut-être est-ce dans nos têtes, mais nous sentons déjà les bonnes ondes nous envahir. Une chose est sûre, les créations en tissu de la jeune artiste sont enchantées, chargées de cette magie que l’on nomme la passion.
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